Snowing under my skin [Kiara et Ira]

Ca y est ! Kiara était sortie ! A l'air libre. Libre de toute entrave, libérée de toute obligation, de tout visage, de toute voix... Pas si libre que ça, puisque le seul endroit où elle avait osé se faufiler depuis le repaire des Rebelles, désormais son refuge était ce cimetière. Parfait endroit pour ressasser de tristes pensées ! Un capuchon noir masquait son visage ; il faisait grand jour, elle marchait très vite, la tête baissée. La peur au ventre. Mais la curiosité et le besoin de solitude avaient été plus forts que la peur. Arrivée au cimietière, elle se mit à courir, elle poussa la grille et rejetta la tête en arrière. Des gouttes effleurèrent sa peau fine, glissèrent dans son cou, la firent frissonner alors qu'elle se déversaient dans son tee-shirt. Elle ouvrit grand la bouche, poussa un "Ah !" de satisfaction et déglutit.
Personne ! Personne ! Elle pouvait être un peu seule, et oublier de bien se comporter. En tant que rescapée, tout le monde agissait bizarrement avec elle, essayant de la protéger alors que tout ce qu'elle voulait, c'était être un peu seule, arrêter de supporter les regards inquiets. Bien sûr qu'elle ne se remettait pas de son emprisonnement ! Bien sûr qu'elle était hantée par sa vie ici !

La grille du cimetière se referma, et Kiara ouvrit grand les yeux mais ne distingua personne. Le vent ? Puis elle vit une femme marcher entre les tombes, venue sûrement déposer quelques fleurs. Kiara se rendit compte pourquoi elle était venue ici : elle était venue enterrer l'autre Kiara, la prisonnière, celle qui venait de mourir brûlée. Celle qui avait échoué à ramener John. Celle qui n'avait pas encore vu le beau Karl. Dur de penser que sa vie tournait autour de deux hommes ! Qui s'en fichaient d'elle.
La femme s'approcha d'elle; elle semblait gentille et Kiara ne voyait pas pourquoi quelqu'un viendrait l'embêter ici. Les rebelles lui avaient dit que cet endroit était le plus sûr. Mais "sûr" ca veut dire quoi ?Kiara lui sourit tout de même mais ne dit rien. On ne sait jamais.

Un beau et grand trou se dressait devant moi : j'avais peiné à le creuser et j'en étais fière. De la sueur coulait sur mes bras, ruisselaient sur mes genoux, teintant mon pantalon de tâches mouillés. Je me relevai, plaquai mes cheveux en arrière et soupirai. La tombe était prête. La dernière demeure de Kiara McMillan. Non, je n'étais pas folle. Cette tombe, je me l'étais creusée en imagination. Il n'y avait que de l'herbe en face de moi. Une belle herbe verte, on avait envie de se pencher pour la caresser de nos doigts; juste sentir une partie de nature entre ses phalanges. Ce que je fis. Laisser l'ancienne Kiara, et se préparer à ma nouvelle vie parmi les Rebelles. Je ne savais pas encore de quoi ma vie serait faite. Pas d'idée. J'allais découvrir seule de quoi elle serait constituée. J'avais peur, j'étais dans l'expectactive. En quête d'un sens.

Une autre femme était arrivée pas loin de moi, et je m'étais tournée vers elle, méfiante. Mon capuchon avait glissé et j'étais trempée. C'était une blonde, je ne savais pas lâge qu'elle pouvait avoir mais elle semblait jeune. Elle était belle, élégante. Elle sortit son parapluie; et l'ouvrit. Je ne l'enviais pas tant que ça : j'aimais la pluie.
Mais quand elle me proposa de venir m'abriter, je n'hésitai pas. Je perdis ma méfiance : elle semblait gentille, et puis tant que je ne répondais pas aux questions "où vis tu ?" et "tu fais quoi comme travail ?" tout irait bien.

"Oui, merci."
Je venais m'approcher et plaça ma tête sous le parapluie. C'était mieux. Je croisai le regard de la femme et me sentis gênée d'être dans un tel état. Je plissai un peu mes vêtements et ajoutai :
"J'ai oublié mon parapluie ! Merci."
Une question me taraudait : que faisait-elle là ? Si je la lui posais, elle me la retournerait et que répondrai-je ? La vérité ? Enterrer mon ancien moi ?
"Puis-je vous demander ce que vous faites ici ?"

En temps normal, Ira se serait sûrement sentie timide ou gênée de se retrouver ainsi proche d'une femme qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Mais ce n'était pas le cas, grâce à l'Andragorium. C'était juste une façon d'être gentille, et peut-être de lui éviter de tomber bêtement malade. La pluie n'était pas très violente, mais elle mouillait tout de même, et si on avait pas l'habitude, on attrapait rapidement froid. On lui demanda ce qu'elle venait faire ici, et que pouvait on faire en règle général dans un cimetière? Plein de choses en fait, elle n'était pas forcément là pour voir quelqu'un, elle aurait pu venir y faire des photos, ou même y travailler. Mais non, Ira était là pour la raison la plus basique et banale du monde: aller voir la tombe d'une proche. Enfin proche, pas vraiment, car en fin de compte, elle ne se rappelait pas du tout de sa grand-mère. Elle n'en avait un souvenirs que très lointain, et c'était plus une notion abstraite dans sa tête qu'une personnalité qu'elle avait connue. Peut-être qu'au fond, elle était juste venue pour être au calme et prendre l'air entre deux jours de travail. Elle ne sortait jamais depuis la guerre, malgré les tentatives de Jude, elle préférait rester à regarder la télévision, ou à lire des vieux livres pour apprendre des choses. Le monde n'était plus très drôle, et elle jugeait qu'il n'y avait plus grand chose à y faire à part aller travailler, ou rester chez soi. Elle avait conscience d'avoir changé, mais elle se disait que ce n'était qu'une phase, que quelque chose de passager, en attendant que le monde se remette de la guerre. Pour elle, l'Andragorium n'était qu'une façon temporaire comme une autre de gérer la crise, et cela évitait que les gens ne soient tristes. De plus, la criminalité avait presque disparu, et c'était un argument majeur qu'elle ne cessait de ressortir pour se persuader que c'était une bonne chose. Mieux valait vivre dans un monde sûr. Elle pensait qu'elle aurait été malheureuse sans en prendre: elle aurait du tout assumer, réfléchir à la tournure qu'avait prit sa vie, et ça, elle ne le voulait pas. L'Andragorium avait réglé bien des problèmes pour Ira, c'était une solution de fuite, c'était comme fermer les yeux tout en obéissant aux règles. Par conséquent, cela lui allait très bien...

- J'ai une proche enterrée ici...et vous?

Indiscrétion? Connaît pas. Ou plutôt, ne connais plus. Elle demandait juste ça pour lui rendre la question, et elle se dit qu'elle devait sûrement être aussi ici pour rendre visite à quelqu'un. Mais la jeune femme se tenait devant de l'herbe, et non une tombe, c'était assez étrange. Ira, le parapluie toujours en main, regarda un instant l'herbe, puis décida de se présenter:

- Je m'appelle Ira, enchantée.

Sa question me mit bien sûr mal à l’aise et je me maudis en silence de l'avoir posé en premier. Je ne savais vraiment pas quoi répondre. Si je disais la vérité, elle me prendrait pour une illuminée, une folle, et les gens dingues ne prennent pas l'Andragorium, sinon leurs sentiments extravagants seraient détruits et leur folie embrigadeé. Si je disais que je venais là pour aller voir quelqu'un, elle remarquerait que je me promenais sans but. Quoi que je dise, j'étais cataloguée comme ayant un comportement étrange. J'eus peur, la sueur de mon imagination coulait à present dans la réalité, dans mon dos, se mêlant aux dernières gouttes de pluie s'y étant perdues. Elle faisait peut être partie du gouvernement : son rôle consistait soit à trouver les rebelles, soit à remarquer les civils distraits. Même si les rebelles m'avaient indiqué que le cimetière était sans danger car non surveillé, je ne pouvais m'empêcher de douter : si ça se trouve, le gouvernement en profitait justement, de cette confiance aveugle, pour capturer les rebelles !
M'enfuir sans raison serait la dernière chose a faire : ma fin serait annoncée. Je pris sur moi en me contenant, pour ne pas sortir : "Ici ? Moi ? Mais rien !" Heureusement, mes réflexes de rebelle reprenaient le dessus. Règle no 1: ne jamais laisser paraître du desarroi, de la peur. Régle no 2: se comporter comme si aucun sentiment ne nous traversait. Je répondis, d'une voix beaucoup plus mécanique qu'auparavant :

"Je suis venue me promener au cimetière. J'aime bien quitter la ville de temps en temps et échapper au bruit."
Il était hors de question que je donne mon vrai prénom : Kiara et Maelyn venaient tout juste d'échapper à la surveillance de Drake Wilson et sa renommée en prenait un sérieux coup. Nos vies étaient mises à prix, et n'importe quel citoyen zélé en profiterait pour nous livrer.

"Je m'appelle Margaret."
Je n'ajoutai rien. Rester de marbre, de glace, ou tout autre matériau non vivant. A peine respirer.
La grille grinça et je me retournai doucement ainsi qu'Ira. *Reste calme Kiara surtout reste...*
La peur refit surface violemment et je me détournai de lui. Un des soldats auxquels nous avions échappés lors de notre fuite. Il connaissait mon signalement. Que faisait-il là ?
Je ne savais pas comment réagirais Ira face à lui mais moi, ma décision était prise.

"Venez, montrez-moi la tombe de votre proche enterrée. S'il vous plaît." demandai-je. Le soldat était assez loin de nous et n'avait pas de raisons de venir nous voir, si ? J'espérais qu'elle obeisse sans discuter. Je ne savais pas trop quoi faire pour la suite. Je remontai ma capuche sur mon visage. Au secours !

La jeune femme avait subitement changé de comportement, et elle avait une attitude vraiment inhabituelle, surtout comparé au reste des citoyens qu'Ira avait l'habitude de côtoyer. Au début, elle ne fit pas le lien, mais en se retournant, elle vit un soldat. Ce soldat était visiblement la problème, et Ira se demanda pourquoi. Elle n'était pas stressée, elle n'avait rien à se reprocher, mais "Margaret" semblait subitement vouloir tout faire pour l'esquiver. Elle venait de lui demander de lui montrer la tombe de sa grand-mère, et elle avait très bien compris pourquoi. Non, elle n'était pas à se dire qu'elle était une rebelle, mais elle avait tout de même compris qu'elle avait quelque chose à se reprocher. Ira ne voulait pas de problèmes, et encore moins se mettre en danger, mais elle n'allait pas crier au loup sans raison, et se voyait mal courir vers le soldat en hurlant: c'est elle qu'on risquait d'arrêter. Alors Ira acquiesça et se mit en route vers la tombe dont elle venait. En marchant, elle se demandait ce qu'elle était en train de faire: et si cette femme était dangereuse? Et si c'était une rebelle? Ira avait toujours suivi les règles et ne voulait vraiment pas finir au fond d'une cellule à cause d'une inconnue, c'était de la folie. Mais alors pourquoi était elle en train de faire ce qu'on lui demandait? Parce qu'elle n'avait pas une mauvaise âme, et qu'elle ne se voyait pas trahir quelqu'un, même une inconnue. Et puis pour la trahir, il aurait déjà fallu savoir de quoi il s'agissait. Dans tous les cas, elles s'éloignaient maintenant du soldat, et arrivèrent au bout de deux minutes à l'endroit précis ou elle venait de déposer des fleurs: la tombe de sa grand-mère. "Margaret" semblait s'être un peu calmée, mais elle ne semblait pas "normale". Du moins, elle n'avait pas l'air de ne rien ressentir. Ira resta un instant silencieuse, contemplative devant la tombe. La pluie continuait de tomber doucement, et elle demanda, doucement, les yeux toujours rivés sur la tombe:

- Ecoutez je ne sais pas pourquoi vous voulez éviter ce soldat mais... j'apprécierai vraiment ne pas me mettre dans une situation délicate.

Elle pensait surtout à son mari, Jude, qui serait complètement perdu sans elle. Et à ses parents, à tout le monde en fin de compte. Elle ne comptait rien faire contre cette jeune femme qui avait l'air d'avoir un bon fond, mais elle ne voulait pas risquer sa vie pour une inconnue non plus...

Ira a vite compris ce que je cachais. Étais-ce si évident ? Tout se voit-il sur mon visage ? J'ai peur. Je suis devenue faible, on m'a cassée dans les cachots, cette torture couvre ma fuite, j'ai même pas eu le courage de m'en sortir seule, on est venus me chercher et j'ai pas eu le choix, j'ai du les suivre. Mais au fond, j'étais déjà faible avant, c'est moi qu'on a attrapée, moi qui est resté suis longtemps, parce que sans Andragorium je suis trop humaine. J'exprime trop ce que je ressens. J'aurais du la quitter soudainement, lui dire que j'y allais, et elle aurait pas su. Elle ne m'aurait pas dit, avec ses mots blessants, qui diffusèrent de la peur glacée en moi "j'apprécierai vraiment ne pas me mettre dans une situation délicate."
Tu apprécierais vraiment ? Mais c'est quoi ces mots ? Tu crois que j'aime cette situation délicate moi ? Tu crois que j'aime cette vie, je dois toujours me cacher, nier ce que je suis, alors que tout ce que je veux, c'est vivre, et de préférence avec quelqu'un pour me soutenir, car je suis faible ! Je suis putainement faible !

Je sortit de sous le parapluie et répondit d'un ton maussade :
"Faites comme vous voulez, allez lui parler si vous avez envie, mais si situation délicate y a, ce sera pas ma faute. Ce sera la vôtre si vous lui parlez." Là si elle avait des doutes quant à mon opinion sur Drake, là elle était fixée.
Tant pis, je dis ce que je pense et je pense ce que je dis. Je crois que je suis trop simple pour tous ces gens. Pour moi, la vie est simple et constituée de petits bonheurs qui conjugués, font un grand bonheur. Tu crois que cette vie crée des petits bonheurs ? Elle crée rien, elle détruit tout, des alliances se lient puis se défont, je sais plus sur qui me reposer. A qui faire confiance ? Même les rebelles, je sais pas ce qu'ils pensent de moi, mais ils ont vu. Que je suis pas bien. Et personne est là.

Je marchais vers le fond du cimetière , je ne savais pas quelle était sa décision, lui parler, me trahir ou me suivre ? Elle avait eu l'air sympa et presque différente. Mais j'avais pas tout faux. *Arrête de te planter Kiara !* Je me suis plantée trop souvent.

Ira avait beau ne pas aimer les problèmes, elle n'était pas non plus du genre à les créer aux autres. Elle n'avait pas envie de la 'dénoncer' comme elle disait, et elle ne savait même pas vraiment de quoi il s'agissait. La dénoncer pour quoi au juste? Clairement, la jeune femme était émotionnelle, mais ça faisait tellement longtemps qu'Ira n'avait plus vu personne comme ça, que ça la toucha... Enfin, ça l'a toucha au niveau où ça pouvait la toucher avec ce qu'elle prenait. Mais tout de même, elle n'avait pas vu quelqu'un d'humain comme ça depuis bien longtemps, et ça lui faisait quelque chose. Elle n'alliait pas courir vers le soldat, c'était ridicule, et elle allait sûrement devoir passer des heures d'interrogatoires derrière si elle faisait ça.... cela risquait de lui causer encore plus de problèmes. Et cette femme l'intriguait: est-ce que c'était une rebelle? Ou juste une citoyenne qui avait décidé de ne plus prendre d'Andragorium? Ira avait à peine eu le temps de réfléchir à la situation que la jeune femme s'éloignait, seule, vers le fond du cimetière. Ira n'avait aucune envie qu'on ait l'impression qu'on la fui, et pour elle, l'attitude de la jeune femme était encore plus bizarre que si elle était restée. Et elle était sous la pluie, ce n'était pas très bon pour sa santé se dit-elle. Réflexion profondément débile, mais c'était ainsi, Ira s'était découvert un nouveau mode de fonctionnement depuis la guerre. Toujours très calme, elle suivit donc la jeune femme, restant quelques pas derrière elle, et regardant de temps en temps si le soldat les avait remarqué. Mais visiblement, il ne faisait pas vraiment attention à elles, et c'était tant mieux, car Ira avait la ferme intention d'en savoir plus sur cette jeune femme: qui était elle? Pourquoi s'éloignait elle à la vue des soldats? La curiosité l'avait piquée, et elle retrouvait son vilain défaut d'avant: le besoin d'aller au bout de choses, et de savoir. Elle la suivit donc, le visage impassible, et la rejoint en accélérant le pas. Elle replaça le parapluie au dessus de leur têtes, et lui demanda, les yeux pétillants de questionnement:

- Je ne dénonce pas les gens... vous n'avez rien à craindre de ce côté là, et puis je ne vous connais pas, je ne connais rien de la situation, je ne vais pas...

Elle la regarda, et réalisait qu'elle était vraiment en train d'envahir sa vie privé. Ce n'était pas très...poli. Elle s'arrêta donc de parler après voir dit:

- Excusez moi, ça ne me regarde pas, mais vous aviez l'air tellement... je ne sais pas...

J'agissais de manière totalement aléatoire, et ainsi je créais des problèmes non seulement à moi-meme, mais aussi aux Rebelles et à Ira. Et j'avais un coeur, et je ne voulais pas que cette jeune femme souffre de mon comportement. Etais-je devenue folle ? Si je me posais la question, c'est que j'étais saine d'esprit, non ?
Elle m'avait suivie, je me retournais pour voir le soldat, qui avait pris une autre direction. Je soupirais de soulagement. Mais les problèmes ne s'arretaient pas la. Ira me posait des questions, étonnée de mon comportement. J'eus envie de lui faire remarquer sèchement qu'une civile ne connaissait pas la curiosité, sentiment étranger.. Mais je me retins, bien qu'Ira s'enhardisse à justifier sa conduite. Bizarre bizarre... Il n'y avait pas que moi qui me conduisait bizarrement !
J'écartais les mèches noires de ma chevelure qui faisaient écran entre nos deux regards et la regardait fixement alors qu'elle hésitait.

Excusez moi, ça ne me regarde pas, mais vous aviez l'air tellement... je ne sais pas...
C'était trop tentant, il fallait que je la pousse dans ses retranchements, dans ses certitudes.. qui ne tenaient qu'a un fil.

"Ca ne vous regarde pas non. Pourtant, vous me suivez et vous voulez m'aider. Vous etes bizarre... aussi bizarre que moi."
La dernière phrase pouvait me couter la vie, mais elle l'avait bien remarqué, non ? Je ne faisais qu'enfoncer une porte ouverte.
"Allez continuez votre phrase, "j'avais l'air tellement..." quoi ? Perdue ? Non, c'est un mot trop faible. Dites-moi ce que vous avez sur le bout de la langue, vous avez l'air tellement...vous aussi " dis-je malicieusement.

"Ce ne sont pas mes affaires".
*Et pourtant tu m'as suivie et tu m'as répondue. Alors soit l'Andragorium a des ratés, soit... quoi ? Elle est comme toi ? Si tu continues Kiara tu vas y retourner. Et cette fois-ci tu vas vraiment mourir. Pas foutue de te faire des amis chez les Rebelles*

Si moi aussi je me l'injectais, tout serait plus facile. Y a des fois où je me demande si j'ai fait le bon choix. Mais une fois qu'on a franchi la ligne, la mince ligne entre les gens biens et les déviants, on ne revient pas. Je ne pouvais pas revenir vers le gouvernement et reprendre le médicament, comme ça. Sans aucune question.
Je ne pouvais pas changer d'identité. Etre autre. C'est mieux que de ne pas exister. Faut que je disparaisse. Elle ne pouvait pas le comprendre ça ?

Le soldat était parti, normalement le cimetière est une zone de "no man's land", *une zone de deads land*.

"Vous avez bien fait de m'aider, même sans le vouloir, même si ce ne sont pas vos affaires"dis-je d'une voix sans ton. Comme elle. Nous les déviants on pouvait faire et les robots et les rebelles. On est plus doués qu'eux et on en a plus dans le ventre qu'eux.
"S'il m'avait vu, j'y retournais. Et vous, on vous posait des questions. Finalement, même avec ce foutu Andra, vous n'êtes pas si bêtes, pour un robot."
Je voulais qu'elle réagisse, qu'elle m'explique un peu ce qu'elle faisait là. La vraie raison. Pourquoi elle me tenait toujours le parapluie, stupidement, alors que la pluie s'était arrêtée.